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Portfolio - Gouttes
J’attends.
J’attends comme on attend la pluie, avec le corps tiède et tendu, la nuque lourde, la peau moite et brûlante. J’attends avec les mains ouvertes, les pieds nus posés sur la terre qui tressaille.
J’attends.
Plus j’attends, plus il me semble que mon corps s’enfonce, se fragmente et se mélange à l’herbe drue sous mes pieds, aux cailloux ronds et doux, au calcaire qui crisse entre les racines des arbres, à la faune minuscule qui vit et habite sous la terre. Plus j’attends, et plus il me semble grandir, m’allonger jusqu’à perdre forme, m’étirer vers le ciel qui m’aspire, me déplie, me déploie, me disloque comme il disloque les nuages qui s’en vont et s’effilochent en bandes de coton transparentes. Le vent lèche mon dos, étend mes ailes qui s’agitent, palpitent, tremblent et frissonnent au milieu des nues pommelées.
J’attends, entre ciel et terre, plantée entre ces deux forces, sans savoir où jeter mes amarres, le corps tiède et tendu, les yeux brûlants, l’âme fiévreuse, le cœur agité par la parole d’un homme aux yeux clairs et transparents qui m’a dit de regarder. Il dit que quelque chose viendra, qu’il faut regarder, là où je croyais les portes fermées. Mais avec quels yeux me faudra-t-il voir ? Car c’est l’invisible qu’il faut chercher, épier, débusquer et attraper comme un songe impalpable. C’est l’invisible qu’il faut traquer et faire émerger d’une vie aussi lourde qu’un rocher, pour le rendre saillant, tangible et éclairant.
Alors je ferme les yeux, sachant qu’ils ne me seront d’aucun recours, et j’attends. J’attends comme on attend la pluie, d’une attente douloureuse et fertile. Quand on attend la pluie, on scrute le ciel à l’affût de ses moindres signes.
Je ferme les yeux et j’écoute, j’ouvre ma chair comme un parchemin, pour laisser le ciel choisir sa page, choisir son heure, me brûler comme il m’a déjà brûlée de sa lumière éphémère.
Lovée dans une confiance fragile, j’attends les premiers signes. Je sais que mes cheveux voleront dès la première brise, je sentirai l’humidité du ciel descendre doucement, ma peau de buvard se régaler des premières gouttes et se tendre vers l’infini. MT©
Michèle Théron Photographies Divine Nature Paris
2014 © Michèle Théron Photographies
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